Abbaye de Beaulieu en Rouergue

   L’abbaye de Beaulieu en Rouergue est fondée au XIIème siècle, alors que l’ordre des cisterciens créé au siècle précédent connaît un essor considérable et que fleurissent de nombreuses abbayes « filles » de Cîteaux, dans des lieux où les moines s’établissent dans la solitude. Les habitations, la salle capitulaire et le réfectoire sont réalisés avant 1250. La construction de l’église abbatiale est entreprise à partir de 1275 et s’achève dans la première moitié du XIVème siècle. Le cloître, élevé à la suite de l’église, est détruit en 1562, pendant les guerres de Religion. Vers 1675, alors que l’abbaye est prospère grâce au commerce du vin, d’importants travaux sont menés par l’abbé commendataire Jean de la Valette-Cornusson, dont l’aménagement d’un logis abbatial. Dés 1789, les 4 derniers moines et leur prieur sont expulsés. Ainsi s’achèvent six siècles de présence monastique à Beaulieu-en-Rouergue. Bien que malmenée par l’histoire, elle est transformée en ferme à la Révolution, l’abbaye de Beaulieu nous parvient aujourd’hui comme un parfait témoin de l’esthétique cistercienne médiévale, un art gothique particulièrement élégant et dépouillé.

   Par hasard, en 1953, au détour d’un voyage, Geneviève Bonnefoi et Pierre Brache, deux passionnés d’art et plus particulièrement des œuvres des artistes d’avant-garde de la « Nouvelle école de Paris », découvre l’abbaye de Beaulieu. « Ce fut le coup de foudre et, en même temps, un serrement de cœur. Cette abbaye fondée au XIIème siècle, bien que classée monument historique depuis 1875, était tombée dans un état d’abandon pitoyable. L’église du XIIIème siècle, transformée en grange et en étable, était comblée de gravats pour permettre le passage des charrettes ; elle faisait songer à un navire naufragé », raconte Pierre Brache. En 1959, Le couple Brache-Bonnefoi acquière l’ensemble des bâtiments pour « sauver ce joyau » et entreprend les années suivantes d’importants travaux de restauration. « Au milieu de tous ces travaux (…), je ressentais de plus en plus la nécessité de donner un sens à cette action, de redonner à Beaulieu une destination culturelle et collective (…). Faire de l’abbaye de Beaulieu le premier Centre d’art contemporain qui faisait tellement défaut à la région, voilà la tâche à laquelle nous nous étions attelés avec la belle inconscience de la passion, cette double passion pour ce que les gens appellent « les vieilles pierres » et la peinture moderne, qui ne formait en définitive qu’une seule et même passion, celle de l’art ». Pour financer l’achat et les travaux, les collectionneurs ont vendu deux sculptures de Constantin Brancusi Le Poisson et Le Premier cri. Pendant treize années l’abbaye est en chantier avec le soutien de l’État et sous la direction de Jean-Pierre Jouve, architecte en chef des monuments historiques. En 1970, les propriétaires fondent à l’abbaye un centre d’art où vont se succéder expositions et autres manifestations culturelles. En 1972, Geneviève Bonnefoi crée l’association culturelle de l’abbaye de Beaulieu pour animer le lieu et contribuer à son rayonnement en tant que centre d’art ; cette association organise des expositions d’art contemporain valorisant des artistes occitans dans le dortoir des convers.

   En 1973, afin d’assurer la pérennité de leur action, Geneviève Bonnefoi et Pierre Brache décident de faire don de l’abbaye et d’une grande partie de leur collection personnelle d’œuvres d’art à la Caisse Nationale des Monuments Historiques et des Sites, devenue le Centre des Monuments Nationaux (CMN). A la suite du décès de Geneviève Bonnefoi en février 2018, le CMN devient propriétaire du reste de la collection. En tout, cette collection rassemble plus de 1300 œuvres, constituant l’une des premières collections d’art moderne de France, formant un ensemble cohérent et représentatif de l’art des Trente Glorieuses.

   En 2020 le CMN commence une très importante restauration de tous les bâtiments de l’abbaye. La réouverture de l’abbaye de Beaulieu en-Rouergue est prévue courant 2022. Ce nouveau musée d’art du XXème siècle de la région Occitanie présentera au public la très riche collection d’art des époux Brache-Bonnefoi.

château de Pervinquière (privé)

Situé sur un plateau de la commune de Ginals, non loin de l’ancienne paroisse de Saint Igne, le château de Pervinquière, (étymologiquement : le lieu où pousse la pervenche) présente au visiteur les ruines encore altières de ce qui fût l’une des plus belles réalisations gothiques de la région.

Une résidence pour les abbés de Beaulieu :

Originellement possession des Valette, branche puinée des Vicomtes de St Antonin (à ne pas confondre avec La Valette, famille bourgeoise de Rodez anoblie par le Roi à la fin du XIVe siècle et qui vint s’installer à Parisot), le château fut vendu en 1370 par les frères Bertrand et Bérenger Valette à l’abbaye de Beaulieu, toute proche, pour la somme de 1500 francs or. Il est cependant vraisemblable que les restes monumentaux actuellement visibles sont ceux d’une reconstruction totale ou partielle par un abbé commendataire, tant la qualité et le style  évoquent ce milieu du XIVe siècle où l’on bâtit à grands frais.

Peu de documents étant à notre disposition, tout juste sait-on par les archives de St Antonin, que le château subit une première occupation en  novembre 1376 par «  los Anglos » dans les textes (anglais ou pillards ?). A la fin du MA  le château, vétuste,  tombe en quenouille et bien que centre d’un important domaine agricole de l’abbaye, est probablement délaissé par celle-ci. Les Guerres de religion ont leur part de responsabilité dans la dégradation. Les huguenots occupèrent les lieux en mars 1587. Puis un immuable processus s’active : ruine et dépeçage dès le milieu du XVIIe siècle.

Un château d’une qualité exceptionnelle :

Ce qui subsiste du château est cependant suffisant pour percevoir l’exceptionnelle qualité de construction de ce qu’il est convenu de ranger dans la catégorie des demeures fortifiées à vocation plus résidentielle que militaire. Les fragments découverts de baies géminées à remplage, de cheminées monumentales, de portes en tiers-points laissent rêveur devant l’ampleur des destructions, et, malgré tout, la grande beauté des dispositions d’origine.

Autour d’une cour centrale pavée de grès, quatre corps de bâtiments s’articulaient selon  leur importance ; le plus noble, le logis abbatial ne mesurant pas moins de 10m par 40. Le donjon, mutilé, dérasé à 6 m de hauteur, présente encore une belle pièce en rez-de-chaussée, voutée sur croisée d’ogives à nervures prismatiques.

On peut aussi encore voir le puits taillé dans la masse gréseuse sur laquelle repose le château, le four à pain et son abside débordant sur  la courtine sud ainsi que l’évier des anciennes cuisines. Quelques rares cheminées de belle facture ont échappé à la main destructrice et de belles fenêtres à coussièges veillent encore sur le moutonnement des collines du Bas-Rouergue.

Philippe Clément (ancien propriétaire)

petit patrimoine

En parcourant routes et chemins, en s'informant auprès des locaux, le promeneur peut découvrir nombre de témoignages bâtis et sculptés par les anciens au fil des siècles, mais aussi s'émerveiller devant la richesse de la flore sauvage.